La traversée du Paraguay

Santa Cruz, Bolivie.

Samedi 14 décembre,

20h15. Ça fait trois quart d’heure qu’on fait le poireau sur le parking de la gare routière. Compagnie Stel Turismo. On a les boules. Un vieux bus cabossé. On regrette le luxe Cruz del Sur. Le moteur en marche attend lui aussi depuis trois quart d’heure mais le chauffeur ne semble pas pressé d’arriver. D’après les prévisions de l’agence de Sucre qui nous a vendu les billets, ça devrait nous prendre 18h d’arriver à Asuncion, la capitale du Paraguay. Le compte vient de passer à 20-22h d’après la compagnie. Tant que l’on n’atteint pas les trois jours et deux nuits annoncés par le tenancier du Ptit Parisien à Sucre, tout va bien. C’est vrai que jusque-là, tous les locaux à qui on parlait de notre projet de rejoindre le Brésil via le Paraguay éclataient de rire et nous plaignaient d’avance.

20h30, le chauffeur arrive. La trentaine. Déjà bedonnant mais bien costaud, il semble soulever nos sacs de presque 20kg avec son ptit doigt. Pas l’air super réveillé mais ça doit vouloir dire qu’il est reposé. Son co-pilote, un vieux moustachu maigrichon le suit ainsi que le « steward » de bus, la vingtaine rayonnante qui s’exprime par la coupe « mulet » très en vogue en Amérique latine. Les soutes s’ouvrent enfin mais pas pour nous, pas tout de suite. Une dizaine d’énormes sacs nous passent devant. Qu’est-ce que ça peut bien être ? ça a l’air tout léger ! des feuilles de coca, ... ? On suppute, on se fait des films mais en fait on ne sait pas.

20h40. Quand même ! Sacs en soute, on s’installe enfin à nos places….notre maison pour les longues heures à venir. Le bus met enfin les gaz avec plus d’une heure de retard. Il est temps de dîner. Une barquette riz-poulet sous cellophane. Rien à redire. L’extinction des feux vient rapidement, la sortie de la zone urbanisée de Santa Cruz également. Dehors, la lune éclaire la plaine mais on dirait qu’il n’y a rien à voir. On n’a plus qu’à essayer de dormir…

... Pas si mal finalement ! Vieux bus mais bons amortisseurs. Ce sont les premiers rayons du soleil qui nous réveillent. Il est un peu plus de 5h. On arrive à la frontière entre la Bolivie et le Paraguay.

Guarani, c'est aussi le nom du club de foot d'Asuncion, Paraguay.

Le bus sort de la route pour se garer sur un chemin sableux en contre-bas. Au milieu d’un pré, une baraque en dur : la migracion ! Seuls touristes, on nous fait passer les premiers. Un tampon et c’est tout bon. Une haie de changeurs assis derrière des petites tables en bois nous interpellent ; on troque nos bolivianos contre des guaranis, la monnaie du Paraguay qui tient son nom du peuple amérindien de la région.

La plupart des Indiens guaranis ont été assimilés ; la population paraguayenne est très métissée. Quelques-uns vivent encore en tribu dans la jungle du Nord Paraguay mais leur territoire, menacé de déforestation, se réduit considérablement. C’est également le cas pour les Guaranis de la forêt amazonienne au Brésil.

Le bus ronronne toujours. Le temps que les 50 autres passagers remplissent leurs formalités, on profite du soleil levant. Il est à peine 6h, il fait déjà très chaud. Légère clim poussée par le chauffeur, elle va peut-être bien nous sauver la vie aujourd’hui.

C’est reparti. Pas pour longtemps. Un barrage à l’horizon. C’est la douane paraguayenne. L’herbe pousse presque au milieu de la route. On nous débarque devant un grand hangar, un bâtiment inachevé. A l’intérieur quatre tentes sont posées sur la chape de béton. Leurs occupants, quatre douaniers (dont une douanière) en tenue de camouflage et armés jusqu’aux dents nous demandent de nous mettre en rang. Impressionnés, on obtempère sans plus attendre. Fouille des bagages et du bus qui prennent du temps. Et pendant ce temps ? Le long des murs, on commence vraiment  à cuire. Il n’est pas plus de 8h du matin.

Remontés à bord, on s’attend à bientôt voir les services migratoires paraguayens. Rien. Le bus trace. Une briquette de jus de fruit et un ptit paquet de gâteau pour le ptit déj’… On s’dit vivement le déjeuner. Mal des transports. La route s’est transformée en piste et le bus tangue à droite, à gauche pour éviter les ornières. Heureusement qu’il ne pleut pas car on s’embourbe souvent sur cette route, la Ruta Trans-Chaco !

Le Chaco ? Une région très inhospitalière et tristement célèbre. Entre 1932 et 1935, le Paraguay et la Bolivie s’y sont livrés un conflit extrêmement meurtrier.

Depuis la fin de la guerre du Pacifique en 1884, la Bolivie, ayant perdu son accès à l’océan (pacifique) au profit du Chili, lorgne à l’Est vers le Gran Chaco et le fleuve Paraguay. Dans les années 1930, les escarmouches fréquentes entre les deux pays débouchent sur une guerre pour le contrôle de la région. Sur la base de rumeurs évoquant la présence de pétrole, des compagnies pétrolières britanniques apportent leur soutien au Paraguay contre la Bolivie, soutenue elle par des compagnies pétrolières américaines. Défaite cuisante pour la Bolivie qui se voit amputée d’une nouvelle partie de son territoire au profit du Paraguay. Plus de 100 000 morts en trois ans, sans compter les victimes des maladies comme la malaria et les disparus. Et le pétrole dans tout ça ? Ben en fait, … il n’y en avait pas.

 

Midi passé. On roule depuis le matin sur la même route, rectiligne à n’en plus finir et sans croiser un seul véhicule.

Un paysage d’une monotonie déconcertante. Terrain plat et aride couvert de broussailles épineuses et de quelques arbres du type bottle tree (Chorisia insignis) : la savane !

 

Le long de la route, seuls les poteaux électriques semblent indiquer la voie de la civilisation.

De temps à autre quand même, des enclos enferment des troupeaux de vaches s’abreuvant dans l’eau d’un marécage… puis un portail, en bois peint, indique l’entrée d’un ranch.

Des habitants qui n’auraient pas été effrayés par la rudesse de l’endroit ? Oui, il y en a !

Dans les années 1920, des Mennonites, des protestants germanophones ont fui l’Ukraine et la Russie soviétiques et se sont installés là (avec le soutien du Paraguay). Sur notre route, on croisera deux familles de Mennonites. Le papa, en salopette en jean et chemise à carreaux a la casquette vissée sur la tête. La maman, vêtue d’une longue robe bleue marine ou fleurie, porte un chapeau ou un fichu. Souvent de nombreux enfants, les clones des parents, tout droit sortis du XIXe s. La Petite Maison dans le Gran Chaco.

14h. Baraquements et hangars en vue. Le bus marque l’arrêt puis tourne à gauche. On entre dans une vaste cour entourée de hauts grillages. Nouveau contrôle des douanes. On ne sait toujours pas ce qu’il y a dans ces gros sacs chargés à Santa Cruz mais trois d’entre eux vont rester là. Pendant que nos bagages sont contrôlés ou « mal fouillés » pour la seconde fois, on nous demande de nous rendre à la maison suivante : l’immigration. Enfin, la voilà ! A des heures de route de la frontière. Quand on dit que le Chaco est inhospitalier.

On roule depuis 17h déjà. Le plus jeune des chauffeurs a les yeux injectés de sang tant il semble fatigué. Depuis ce matin, on le voit mâcher une grosse boule de feuille de coca. Sa chemise est pleine de sueur et son pantalon sale de poussière à force de débarquer et de réembarquer tous les bagages. Bientôt arrivés ? Le pauvre n’est pas au bout de ses peines. S’il passe le volant à son co-pilote, il aura encore à répondre à 8 autres contrôles de police entre ici et Asuncion. Au total, dix contrôles… et autant de retard.

Alors 18h ? 20h ou 22h ? On aura mis en réalité 25h pour arriver à destination. P…. de balade à travers un immense no man’s land. Il est 22h quand on pose le pied à la gare routière d’Asuncion. Même si rien n’égalera jamais notre escapade entre Katmandou (Népal) et Delhi (Inde) avec ses 35h d’inconfort sous une chaleur atroce, il nous faudra bien deux jours de farniente dans la capitale paraguayenne avant d’enchaîner !

 

Asuncion, Paraguay

 

15-17 décembre.

 

Ah, le bonheur ! El Viajero Hostel…au coeur de la ville. La clim, une jolie piscine. C’est ça le Paraguay ?

 

Si à l’image du Chaco, le Paraguay est encore un pays pauvre, Asuncion semble elle presque coquette.

 

Agglomération de 2,3 millions d’habitants soit un tiers de la population du pays. Faubourgs populaires, marchés et marchands ambulants. Sur les trottoirs, des femmes munies d’un réchaud font la popote pour les clients du midi.

 

Au centre, le quartier historique. Le long des rues qui bordent le fleuve frontalier avec l’Argentine, quelques beaux bâtiments, anciens. Certains datent de l’époque coloniale (le Paraguay est le 1er pays d’Amérique latine à avoir déclaré son indépendance de la couronne d’Espagne en 1811. On trouve aussi quelques cabanes : des bidonvilles ?

A Asuncion, le long du fleuve frontalier avec l'Argentine.
Asuncion, vue du ciel!

Des petits immeubles et des galeries commerciales au design très désuet. Beaucoup proposent de l’électronique meilleur marché ; on croise de nombreux frontaliers (Brésiliens, Argentins, Boliviens même) venus y faire leur shopping ! On lève les yeux : des tours à l’américaine se détachent dans le ciel. Signe extérieur de richesse ? Il est vrai que depuis ces dernières années, le Paraguay connaît une forte croissance économique.

On s’attable à la terrasse du Bolsi. On est dimanche soir, il est 23h, il fait encore plus de 30°C et la place est pleine à craquer. La jeunesse dorée d’Asuncion !

Anne-Marie 25.12.2013 10:40

Joyeux Noël à vous deux au Brésil ! Profitez à fond de la fin de votre "ptit" grand tour ailleurs!!! Bisous.

H&M 29.12.2013 14:12

Joyeuses fêtes à tous les trois! Grosses bises de Rio!

Rom's 23.12.2013 23:42

De joyeuses fêtes à vous deux!!!

Hacen et Manue 24.12.2013 21:02

Joyeuses fêtes les chéris!!

Commentaires

22.02 | 17:15

Merci Lélia !!

22.02 | 13:12

bonjour madame je suis dans la classe des 6 ème 2 du collège jaques marquette.
j'espère que vous allez bien votre blog est trooooooooooooooop bien

15.02 | 21:58

Merci Nicolas ! Et bonnes vacances!

15.02 | 19:57

Bonjour madame, j'espère que vous allez bien... Je suis Nicolas de 6eme2 du collège Marquette. Je trouve votre blog vraiment sympa, avec des monuments fantastiques